La France s'enfonce mois après mois dans la crise, sans pour autant avoir de plan de relance à la hauteur. Il est plus qu'urgent de supprimer aujourd'hui des mesures coûteuses et aux effets contre-productifs, le bouclier et les exonérations sur les heures supplémentaires, afin de retrouver des marges de manœuvre pour relancer le pouvoir d'achat et la consommation.
Le bouclier fiscal : une mesure coûteuse et injuste
Le coût du bouclier fiscal est de 458 millions d'euros en 2008 et a doublé par rapport à 2007, où il était à 60%. Cependant, le nombre de contribuables bénéficiant du bouclier fiscal est quasi stable, passant de 13.700 à 13.998. Les deux tiers des 14.000 bénéficiaires du bouclier à 50% ont un revenu fiscal de référence inférieur à 12.991 euros et ont eu en moyenne une restitution de 33.000 euros.
Des injustices fiscales croissantes
L'augmentation du coût du bouclier provient d'une hausse des inégalités fiscales. En effet, le bénéfice retiré par les contribuables disposant des revenus et des patrimoines les plus élevés est en forte augmentation. Près de 90% du coût du bouclier est absorbé par le quart des bénéficiaires, qui possède un patrimoine de plus de 7,3 millions d'euros et se situe dans la tranche de revenus la plus élevée, pour un montant moyen restitué de 116.193 euros sur un paiement moyen de 292.000 euros d'impôts par ménage, et un coût pour l'Etat de 407,4 millions d'euros.
Ainsi, les 755 contribuables possédant les revenus les plus élevés (revenu fiscal supérieur à 42.507 euros par an, soit les 10% des revenus les plus élevés) et les patrimoines les plus importants, ont vu leurs montants restitués multipliés par deux. Ils passent de 143,8 millions d'euros à 288,6 millions d'euros, soit les deux tiers du coût du bouclier fiscal.
Au total, les contribuables aux patrimoines supérieurs à 15,5 millions d'euros bénéficieront d'une restitution moyenne de 368 000 euros, soit l'équivalent de 30 années de SMIC.
Des remboursements en baisse pour les non assujettis à l'ISF
Bien que les bénéficiaires du bouclier qui ne paient pas l'ISF soient nombreux (60% des bénéficiaires du bouclier fiscal, 8.838 contribuables), ils ne se partagent que 1% du coût de la mesure. Surtout, cette part a été divisée par deux entre 2007 et 2008, passant de 9,6 millions à 4,84 millions.
En moyenne, les 8.124 contribuables les plus modestes (revenus fiscaux inférieurs à 3.263 euros et patrimoine inférieur à 760.000 euros) paient un impôt de 659 euros et le montant restitué par l'Etat atteint 535 euros, pour un coût de 4,3 millions d'euros.
Le rôle prépondérant des niches fiscales
Au sein de ces contribuables, il existe des cas « surprenants » : 359 d'entre eux déclarent un revenu inférieur ou égal au Smic alors qu'ils possèdent un patrimoine supérieur à 2,4 millions d'euros. La situation la plus probable est qu'ils actionnent massivement des niches fiscales leur permettant de réduire leurs revenus servant à calculer le bouclier. Ainsi, pour ceux qui déclarent un revenu de 271 euros par mois et qui disposent d'un patrimoine supérieur à 15,5 millions d'euros, le montant des restitutions est en moyenne de 286.231 euros... Ceci représente au total un coût de 5,72 millions d'euros pour l'Etat.
Il est très probable que la plupart des bénéficiaires du bouclier fiscal a réduit ses revenus, pour une part plus ou moins importante, grâce à des niches fiscales ou à des règles de non prise en compte de certains revenus (les revenus consacrés par exemple à la constitution d'une retraite par capitalisation, ou les revenus tirés des cessions de valeurs mobilières pour un montant de 25 000 euros).
La loi TEPA a donc accru l'injustice fiscale en réformant le bouclier fiscal. Les bénéfices ont doublé pour les contribuables les plus aisés, et ils ont été divisés par deux pour les bénéficiaires du bouclier non assujettis à l'ISF. Loin des arguments du gouvernement, le bouclier fiscal bénéficie majoritairement aux ménages disposant des revenus et des patrimoines les plus élevés. Enfin, la perte d'ISF résultant des délocalisations fiscales atteint 17 millions d'euros en 2008, lorsque le bouclier coûte 458 millions à l'Etat.
Le paquet fiscal : contre-productif et coûteux
Alors que les destructions d'emplois se multiplient et que le chômage augmente mois après mois, le gouvernement de M. Sarkozy est le seul au monde à avoir institué un système de destruction d'emplois financé sur fonds publics. En effet, comme n'ont cessé de le dénoncer les socialistes, le dégrèvement d'impôts et de cotisations sociales sur les heures supplémentaires conduit à rendre l'embauche plus chère pour l'entreprise que le recours aux heures supplémentaires.
Ce système qui a fait la preuve de son inefficacité totale en termes d'augmentation du pouvoir d'achat depuis deux ans, se révèle intenable et dangereux dans la crise que nous traversons.
En effet, au troisième trimestre 2008, le nombre moyen d'heures supplémentaires déclarées par les entreprises est supérieur de 35,8 % à celui déclaré un an auparavant. La hausse constatée était de 34,5 % au 2ème trimestre 2008.
Comment le pouvoir français peut-il maintenir un tel système, pour un coût de près de 4 milliards d'euros par an, quand des centaines de milliers de suppressions d'emplois sont annoncées dans les mois qui viennent ?
Dégager des marges de manœuvre pour un plan de relance ambitieux
Aujourd'hui, alors que les Français aux revenus moyens et modestes sont durement touchés par la crise, il est encore plus inadmissible que des contribuables très aisés bénéficient d'avantages aussi exorbitants.
L'Insee prévoit un recul du PIB de 1,5% au premier trimestre puis de 0,6% au deuxième. À ce rythme, le recul pourrait être de 3% à la fin de l'année. Les conséquences sur l'emploi sont désastreuses. Après avoir déjà perdu plus de 110.000 emplois en 2008, la France devrait en perdre de nouveau plus de 330.000 au seul premier semestre 2009 selon l'Insee.
La baisse de la consommation au mois de février (-2% pour les produits manufacturés) devrait alerter sérieusement le gouvernement sur l'accélération de la crise qui pourrait entraîner notre pays vers une explosion du chômage avec un million de demandeurs d'emploi supplémentaire pour l'année 2009. En deux mois, le pays compte déjà 170.000 demandeurs d'emploi supplémentaires.
Cependant, le gouvernement refuse de prendre les mesures nécessaires et s'obstine à maintenir le paquet fiscal, aussi inefficace qu'injuste. C'est pourtant une nécessité absolue de supprimer le mécanisme d'encouragement aux heures supplémentaires qui, dans un contexte de recul de l'activité, est un véritable facteur de chômage, et d'annuler le bouclier fiscal de manière à retrouver les marges de manœuvre nécessaires à la relance du pouvoir d'achat et de la consommation.
Lors du débat sur le collectif budgétaire qui s'est tenu le jour des grandes manifestations du 19 mars, le gouvernement et sa majorité ont rejeté les amendements visant à supprimer, voire simplement corriger ou suspendre le bouclier fiscal. Les Français ne peuvent plus attendre et les discours ne suffisent pas, ce sont des décisions concrètes qui sont nécessaires. La stabilisation de l'emploi ne pourra provenir que d'un retour de la croissance, ce qui nécessite un véritable plan de relance, et donc un redéploiement efficace des ressources fiscales.
Les socialistes proposent depuis plusieurs mois un plan de relance massif, de 50 milliards d'euros, et équilibré, reposant à la fois sur le soutien à l'investissement, notamment public via les collectivités territoriales, et sur la relance du pouvoir d'achat :
- revalorisation immédiate de 3% du Smic,
- aide exceptionnelle de 500 euros aux bénéficiaires de la PPE et des minima sociaux,
- baisse de 1 point du taux normal de TVA,
- prolongation de 6 mois la durée d'indemnisation sur la base de 80 % du salaire,
- extension des contrats de transition professionnelle à l'ensemble des bassins d'emploi et de la durée d'indemnisation à deux ans...
Le groupe socialiste à l'Assemblée nationale proposera une loi le 30 avril pour enfin doter la France d'un véritable plan de relance.